L’église paroissiale Saint-Martin-ès-Vignes
L’architecture
Saint-Martin-ès-Vignes est une paroisse de la banlieue de Troyes, peuplée autrefois de vignerons et de jardiniers. Son église, placée sous le patronage de l’abbaye de Montiéramey, apparaît dans les textes en 1117. Au printemps 1590, la ville, tenue par les Guise, était menacée d’un siège par les partisans d’Henri IV. Devant ce danger, les premiers firent démolir en toute hâte le village de Saint-Martin, puis on décida de reconstruire l’église sur un site beaucoup plus éloigné des murailles. La première pierre fut bénie le 15 octobre 1592. La construction commença par le chevet, achevé en 1597, puis se poursuivit par les parties basse du chœur et du transept jusqu’au portail sud de la nef (1610). Les travaux s’arrêtèrent l’année suivante et reprirent en 1619 par une modification de la croisée, puis l’édification des bas-côtés de la nef et des parties hautes du chœur et de la nef, terminées avant 1641, date du marché des voûtes. En 1669, on travaillait aux premiers piliers de la nef avant d’entreprendre la façade en 1681.
Bien que conçu à l’extrême fin du XVIe siècle, le parti de Saint-Martin est encore tout emprunt du modèle des églises flamboyantes de la Champagne méridionale : abside à déambulatoire à trois pans ; transept non débordant à grande fenêtre ouvrant les façades sur toute la hauteur, voûtes d’ogives des hauts vaisseaux et du déambulatoire à dessin étoilé. Le tracé classicisant des remplages des fenêtres et la forme cintrée des baies du rez-de-chaussée reprennent des innovations introduites dans les églises de Troyes au milieu du siècle. La modernité se lit dans deux détails : le campanile à dômes superposés, lancé en 1624, au lieu de la traditionnelle flèche, et le portail sud, où est gravée la date de 1610. Ce dernier présente un modèle bien typé du début du XVIIe siècle, composé d’une porte en plein cintre inscrite entre deux colonnes corinthiennes portant un entablement. Le fronton au-dessus est brisé afin de laisser la place à une fenêtre en demi-cercle d’esprit plus Renaissance. Celle-ci est dans l’alignement des autres fenêtres du bas-côté comme si le portail était venu en masquer la partie inférieure. La conservation des menuiseries d’origine ajoute à l’intérêt de cette entrée : elles en prolongent l’imposte par un bandeau interrompu par un jour en demi-cercle faisant écho au cintre du chambranle ; un haut-relief, figurant sainte Jule, martyre troyenne ayant sa chapelle sur le territoire de la paroisse, est sculpté au-dessus.
La façade principale
Pour la dernière phase du chantier, l’élévation occidentale, on opta pour un parti résolument moderne, la façade à ailerons. Le marché fut passé en 1681 avec Louis Maillet (1644-1720), architecte et chanoine de la cathédrale. En 1689, un nouveau contrat était conclu avec l’architecte pour l’achèvement des parties hautes et la construction des travées latérales. Le sculpteur parisien René Duchesnay était chargé de la taille des six chapiteaux corinthiens. Le deuxième niveau fut en effet bien terminé mais les travées latérales restèrent à l’état d’attente. Le traitement de la partie médiane est très original : au premier niveau, un avant-corps dépouillé en forme d’arc de triomphe à une seule arche permet de ménager un porche au-devant du portail et une loggia au deuxième niveau ; celle-ci est traitée à l’imitation d’une façade de temple antique, l’ordre corinthien étant même repris du temple de Jupiter Stator à Rome. Cette démarche archéologique dénote une connaissance des recherches contemporaines de Claude Perrault – auteur de la colonnade du Louvre – influence qui se ressent également dans Figures du temple et du palais de Salomon que Maillet publia en 1697 et qu’il dédia au surintendant des Bâtiments du roi. Le décor du tympan du portail n’a pas été réalisé à l’exception du registre supérieur présentant les armoiries d’Henri de Luxembourg, abbé de Montiéramey, sculptées en 1690.
La nef et l’abside
La vue intérieure de la nef montre bien le recours à toutes les recettes de l’architecture flamboyantes troyenne du XVIe siècle, observées sur le plan et à l’extérieur : pénétration directe des retombées des voutes et des arcs ; sobriété générale en contraste avec le dessin élaboré des voûtes et des remplages des baies. Les grandes fenêtres de l’élévation à deux niveaux occupent tout l’espace possible, réduisant d’autant le mur au-dessus des grandes arcades, solution rendue possible par l’emploi de toits à deux pans sur les bas-côtés. L’effet est encore accentué par une sorte de faux garde-corps à décor d’entrelacs qui prolongent les baies vers le bas. Si l’emploi des colonnes est traditionnelle, les bases prismatiques du siècle passé ont été abandonnées au profit d’un modèle plus à l’antique, une scotie entre deux tores, de même que les bandeaux en guise de chapiteau évoquent des chapiteaux doriques. Contrairement à la plupart des autres églises, les voûtes ont gardé leur motif pendant à l’intersection des nervures, plus développés aux clefs de voûte. Comme il se doit, la clef pendante de l’abside est la plus grande. La structure flamboyante ajourée est réinterprétée dans un décor classique, en particulier un motif d’entrelacs qui constitue un véritable leitmotiv dans l’ornementation de l’église. Elle sert de présentoir aux armoiries du roi Louis XIII (France et Navarre), accompagnées du monogramme LV, correspondant à Louis III de Vaudetar, abbé de Montiéramey à cette époque (1641).